Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
1re Session, 39e Législature,
Volume 143, Numéro 37
Le mercredi 18 octobre 2006
L'honorable Noël A. Kinsella, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mercredi 18 octobre 2006
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
L'AFFAIRE « PERSONNE »
L'honorable Nancy Ruth : Honorables sénateurs, c'est aujourd'hui le 77e anniversaire du jugement qui nous a permis, à moi et à mes collègues de sexe féminin, d'être appelées à cet endroit. Dans la décision d'appel à la Cour suprême, lord Sankey écrivait ceci dans son jugement :
L'Acte de l'Amérique du Nord britannique a planté au Canada un arbre susceptible de croître et de se développer à l'intérieur de ses limites naturelles.
Comme le gouvernement du jour ne voulait pas nommer de femmes au Sénat et refusait que les femmes participent à part entière, les cinq femmes sont passées aux actes. Il est intéressant que Mackenzie King ait accepté que le gouvernement assume les frais de la pétition à la Cour suprême et de l'appel.
Il est aussi intéressant de voir que, depuis 1929, les gouvernements ont également accepté, de temps en temps, de payer pour que des femmes et d'autres personnes en quête d'égalité fassent valoir leurs droits à l'égalité à la Cour suprême du Canada. Nous sommes actuellement dans une phase où le gouvernement refuse de faire cela, mais soyez assurés que nous, les femmes, continuerons de travailler en vue d'éliminer les injustices, la violence et la pauvreté qui mettent les femmes dans une position d'inégalité au Canada aujourd'hui. Comme Nellie McClung l'a dit :
Il ne faut jamais renoncer, s'expliquer ou s'excuser, mais faire ce qu'il faut faire et laisser dire.
Les gars, nous avons besoin de votre aide. Vous devez nous faire plus de place et partager avec nous le pouvoir et les ressources. Ce n'est plus le temps de faire de beaux discours, il faut passer aux actes.
[Français]
L'honorable Marie-P. Poulin : Honorables sénateurs, comme le disait si bien ma collègue, le sénateur Nancy Ruth, chaque année, à pareille date, nous commémorons l'affaire « personne », la reconnaissance juridique que les femmes sont bel et bien des personnes en vertu de l'article 24 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
Cette affaire date de 77 ans, mais elle n'est pas si lointaine qu'on pense. Pour bon nombre d'entre nous, nos mères étaient alors de jeunes femmes.
Pourtant, à l'époque, il a fallu que cinq femmes originaires de l'Alberta montent au front. Elles se sont battues pour faire reconnaître le droit des femmes d'être traitées sur un pied d'égalité avec les hommes.
Pour nous, parlementaires au Sénat, le succès remporté par ces cinq militantes albertaines revêt une importance particulière. C'est grâce à leur démarche si cette Chambre, en 2006, est composée de plus de 30 p. 100 de femmes. C'est grâce à leur démarche si cette assemblée peut, avec sagesse et sobriété, bien sûr, mais surtout avec cet équilibre d'hommes et de femmes, se pencher sur tous les projets de loi qui affectent la vie de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes.
(1335)
[Traduction]
LE FINANCEMENT DES PETITS PARTIS POLITIQUES
L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, jeudi dernier, le 12 octobre, le juge T. Matlow, de la Cour supérieure de l'Ontario, a déclaré nuls et non avenus deux alinéas de la Loi électorale du Canada, les alinéas 435.01(1)a) et b), estimant qu'ils contrevenaient aux articles 3 et 15 de la Charte des droits et libertés. Ces deux alinéas interdisent aux petits partis politiques qui n'ont pas obtenu 2 p. 100 des votes à l'échelle nationale ou 5 p. 100 des votes à l'échelle des circonscriptions d'avoir accès au financement trimestriel de 1,75 $ par vote versé aux partis politiques enregistrés, conformément au projet de loi C-24.
Quand le projet de loi C-24 a été débattu et étudié au Sénat en juin 2003, j'ai attiré l'attention des sénateurs sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Figueroa. Cette décision supprimait l'obligation pour les organisations politiques de présenter au moins 50 candidats pour être considérés comme des partis politiques et pour profiter des reçus pour les dons aux fins de l'impôt. La Cour suprême a interprété l'article 3 de la Charte, intitulée « Droits démocratiques », comme ayant une portée plus vaste que le simple fait de remplir un bulletin de vote dans un isoloir.
La cour a conclu que l'article 3 de la Charte englobe aussi « le droit de tout citoyen de jouer un rôle important dans le processus électoral » ainsi que « le droit d'exercer son droit de vote d'une manière reflétant exactement ses préférences. »
Voici ce que j'ai déclaré lorsque le sénateur Robichaud a présenté le projet de loi C-4, le 12 juin :
[Français]
Les petits partis ne siègent pas au Parlement, mais ils représentent les opinions des Canadiens qui ont le droit, en vertu de notre Constitution, à la liberté de parole, la liberté de pensée et à la liberté d'association, et qui peuvent exprimer leurs opinions « au cours du scrutin ».
[Traduction]
Lorsque l'honorable Don Boudria, leader du gouvernement à la Chambre des communes à l'époque, a témoigné devant le comité le 17 juin, j'ai soutenu que les petits partis étaient protégés par les articles 3 et 15 de la Charte et que le projet de loi était contraire à la Charte. Le sénateur Grafstein a demandé si le ministère de la Justice avait confirmé que le projet de loi respectait la Charte, et le ministre a déclaré que c'était le cas.
Honorables sénateurs, la Cour supérieure de l'Ontario a déclaré que ces articles violaient la Charte et étaient donc nuls. Le juge Matlow a même ordonné de redonner aux petits partis l'accès au financement public à compter de la date de prise d'effet du projet de loi C-24.
Ce jugement est important. Le projet de loi C-2 dont nous sommes saisis est à l'étude au Comité des affaires juridiques. Il touche également le statut des petits partis et on craint qu'il ne viole les mêmes articles de la Charte. Je le répète, j'ai soulevé au comité la question de la constitutionnalité des limites imposées aux dons à des partis politiques et de leurs répercussions particulièrement sur les petits partis.
Nous ne pouvons légiférer sans porter une attention particulière aux répercussions de ces articles du projet de loi C-2 sur la situation des petits partis et leur droit d'être traités équitablement. Ce sont des points qui touchent à la Charte, et c'est ici, au Sénat, qu'on peut le mieux en débattre. À au moins trois reprises dans un passé récent, des projets de loi présentés pour modifier la Loi électorale du Canada ont été déclarés contraires à la Charte par des tribunaux canadiens.
J'attire aujourd'hui l'attention des honorables sénateurs sur cette question pour que, lorsque nous étudierons le projet de loi C-2, nous prenions l'initiative de corriger un tort subi par les minorités dans le cadre du processus électoral au Canada.
LA NOUVELLE-ÉCOSSE
LE POSTE DE LIEUTENANT-GOUVERNEUR
L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, avec l'installation de notre nouvelle Gouverneure générale cette année, nous avons été témoins d'un passage du flambeau historique d'une femme talentueuse et indépendante à une autre. Les habitants de la Nouvelle-Écosse ont récemment été témoins d'un événement tout aussi historique avec l'entrée en fonction de notre nouveau lieutenant-gouverneur.
Tout d'abord, je voudrais féliciter l'honorable Myra Freeman pour son travail constant dans l'intérêt de notre province depuis sa nomination en 2000 par l'ancien premier ministre Jean Chrétien. Durant les six années où elle a occupé la fonction de lieutenant- gouverneur, grâce à sa passion, à son expérience dans le domaine de la philanthropie et à ses talents de pédagogue, Mme Freeman a encouragé les jeunes de la Nouvelle-Écosse à jouer un rôle plus actif dans le domaine de la culture, au sein du gouvernement et dans le secteur du bénévolat et à agir davantage pour assurer leur avenir. Au nom de nous tous dans cette enceinte, je la félicite sincèrement de son excellent travail.
Honorables sénateurs, ces thèmes, ainsi que bien d'autres tiennent à cœur à la nouvelle lieutenante-gouverneure de la Nouvelle-Écosse, Son Honneur l'honorable Mayann Francis. Elle est la première Canadienne noire, et seulement la deuxième femme en 400 ans, à accéder au poste de lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse.
Née et élevée à Whitney Pier, sur l'île du Cap-Breton, Mme Francis a déjà fait preuve de leadership en consacrant sa carrière à la promotion de la tolérance et de la diversité grâce à son travail au sein du gouvernement et d'organismes philanthropiques, et plus récemment en tant que directrice et PDG de la Commission des droits de la personne de la Nouvelle-Écosse. Elle est diplômée de l'Université St. Mary's, tout comme le sénateur Moore et moi- même, et j'ai hâte d'être témoin d'autres réalisations de sa part au cours des prochaines années.
Honorables sénateurs, ce changement de lieutenant-gouverneur s'accompagne d'un autre changement, peut-être moins connu. Ethel et Walter Garnier ont, à eux deux, travaillé et vécu à la résidence du lieutenant-gouverneur, à Halifax, pendant plus de 100 ans. Walter a commencé à y travailler en 1947, l'année de ma naissance. Il s'est d'abord occupé de l'entretien des foyers, puis est devenu chauffeur et ensuite responsable des lieux. Il a rencontré Ethel en 1958 lorsque celle-ci a commencé à travailler à la résidence. Elle y occupe actuellement le poste de gouvernante principale. Le couple marié travaille toujours à la résidence du lieutenant-gouverneur, mais prendra sa retraite en novembre.
(1340)
Nous nous ennuierons de l'accueil chaleureux de Walter et de la façon dont Ethel accompagne les visiteurs avec diligence et fierté dans la résidence vice-royale. Honorables sénateurs, veuillez vous joindre à moi et à tous les Néo-Écossais pour offrir à ce couple nos plus sincères félicitations, non seulement pour la durée de ses services, mais aussi pour l'excellence de ses services ainsi que pour le respect dont ils ont fait preuve toutes ces années. Nous ne pouvons qu'espérer pouvoir faire honneur à la façon dont ils ont servi leur province.
L'HONORABLE BARBARA A. HAGERMAN
FÉLICITATIONS À L'OCCASION DE SA NOMINATION AU POSTE DE LIEUTENANT-GOUVERNEUR DE L'ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD
L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, le Canada est un grand kaléidoscope de gens et cette diversité se reflète au Sénat. Certes, j'estime que l'une des qualités les plus distinctives du Sénat est sa capacité de représenter non seulement des intérêts régionaux et politiques, mais également le vrai visage du Canada en réunissant au Parlement des personnes de tant de collectivités, professions et antécédents différents.
Le poste de représentant vice-royal provincial donne également l'occasion d'illustrer notre diversité. L'Île-du-Prince-Édouard a eu l'honneur d'avoir plusieurs lieutenants-gouverneurs remarquables au cours des dernières années, notamment l'honorable Marion Reid, l'honorable Gilbert Clements et le titulaire sortant, un charmant Acadien, l'honorable J. Léonce Bernard.
Honorables sénateurs, je suis ravie de dire que les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard accueillent encore une fois un autre citoyen exemplaire à titre de représentant de Sa Majesté en la personne du nouveau lieutenant-gouverneur, l'honorable Barbara Hagerman. Je félicite Mme Hagerman et le gouvernement fédéral de cette excellente nomination.
Comme la plupart des sénateurs le savent, je suis très intéressée par les arts et je crois que l'expression créatrice est au cœur même de la société canadienne. Née à Hartland, au Nouveau-Brunswick, Barbara Hagerman est non seulement un professeur de musique et une musicienne de talent, mais elle est également la deuxième femme à occuper le poste de lieutenant-gouverneur de ma province. Après l'obtention de son diplôme du programme de musique renommé offert à l'Université Mount Allison, où elle s'est spécialisée en chant et en orgue, Barbara a entrepris une carrière remarquable comme chanteuse soliste à l'orchestre symphonique de l'Île-du-Prince- Édouard. Elle a également dirigé la Summerside Community Choir pendant 17 ans. Sous sa direction, la chorale s'est produite partout dans les Maritimes et même à Carnegie Hall.
Honorables sénateurs, je signale également que madame le lieutenant-gouverneur Hagerman arrive à sa résidence de Charlottetown après s'être dévouée dans le secteur du bénévolat communautaire. Je profite de l'occasion pour féliciter Mme Hagerman et pour lui souhaiter bonne chance alors qu'elle entreprend avec son époux un mandat qui, j'en suis certaine, sera remarquable et réussi.
(1345)
LE SALAIRE MINIMUM
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, j'ai été désolé de lire dans le journal aujourd'hui que le gouvernement de l'Ontario, région que je suis fier de représenter, refusait de porter le salaire minimum à 10 $, ce qui constitue, à mon avis, une position qui va à l'encontre des meilleurs intérêts des Ontariens. Le ministre des Finances a fait valoir, selon les journaux, qu'une telle augmentation serait non concurrentielle et non productive.
Les riches sont de plus en plus riches, tandis que les pauvres sont de plus en plus nombreux. Les petits salariés comptent sur le salaire minimum.
Il me semble, honorables sénateurs, que ceux qui se préoccupent des droits de la femme et de la pauvreté au Canada devraient concerter leurs efforts ici au Sénat pour convaincre non seulement la province d'Ontario, mais aussi leur province d'augmenter le salaire minimum.
Le salaire minimum représente une mesure modeste qui n'est pas antiéconomique, mais qui peut être productive pour accroître le salaire vital de tous les travailleurs canadiens.
AFFAIRES COURANTES
BANQUES ET COMMERCE
AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À REPORTER LA DATE DE PRÉSENTATION DE SON RAPPORT FINAL SUR LES OBSTACLES AU COMMERCE INTERPROVINCIAL
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le mardi 2 mai 2006, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, autorisé à se pencher et à faire un rapport sur les questions relatives aux obstacles interprovinciaux au commerce, soit habilité à reporter la date de présentation de son rapport final du 31 octobre 2006 au 29 juin 2007;
Que le Comité conserve jusqu'au 31 juillet 2007 tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions.
[Français]
LE MONUMENT COMMÉMORATIF DU CANADA À VIMY
AVIS D'INTERPELLATION
L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, conformément à l'article 56 et au paragraphe 57(2) du Règlement, je donne avis que mercredi prochain, le 25 octobre 2006 :
J'attirerai l'attention du Sénat sur la dernière phase du projet de restauration du Monument commémoratif du Canada à Vimy, entrepris en 2001 dans le cadre du Programme canadien de restauration des monuments commémoratifs des champs de bataille.
[Traduction]
PÉRIODE DES QUESTIONS
L'AGRICULTURE ET L'AGROALIMENTAIRE
LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ—LA PARTICIPATION DES MEMBRES—LE SYSTÈME DE COMMERCIALISATION
L'honorable Robert W. Peterson : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Nous traversons une période inquiétante, où l'on traite durement les opinions contraires à celles du premier ministre. Aujourd'hui, un des collègues du leader a été expulsé du caucus pour avoir exposé un point de vue contraire à celui du premier ministre. Il semble que le processus démocratique soit en péril et que la démocratie soit bafouée.
La Commission canadienne du blé a été créée par le gouvernement fédéral en 1943. Le gouvernement veut maintenant la réformer sans consulter adéquatement les producteurs qu'elle dessert. Les réformes envisagées par le gouvernement auront pour effet de privatiser la commission, qui ne pourra plus exercer aucune influence sur la commercialisation du blé et de l'orge. Quand le gouvernement va-t-il assumer sa responsabilité, commencer à gouverner et soumettre la question à un vote des agriculteurs?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur Peterson de cette question, mais je dois répondre à son préambule au sujet des mesures que le caucus conservateur de l'Ontario a prises aujourd'hui. Je fais partie de ce caucus et j'ai participé à la prise de décision.
(1350)
Le député en question ne s'est pas attaqué au premier ministre. C'est le caucus de l'Ontario qui a pris une décision. Les membres du caucus estimaient ne pas pouvoir s'exprimer ouvertement et confidentiellement à l'intérieur du caucus. C'est comme si un membre du caucus appartenait à la presse nationale. La décision a été prise par le caucus de l'Ontario et a simplement été ratifiée par le caucus national. Elle n'avait rien à voir avec les opinions de Garth Turner au sujet d'un membre de notre parti.
En ce qui concerne la Commission canadienne du blé, comme les honorables sénateurs le savent, au cours de la dernière campagne électorale nous étions en faveur d'un système de commercialisation mixte. Les sénateurs savent aussi que les producteurs de blé s'apprêtent maintenant à tenir un vote sur la composition du conseil d'administration de la Commission canadienne du blé. On met actuellement la dernière main au processus concernant la tenue de ce vote.
L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, en dépit de tous ses beaux discours concernant la restructuration des relations avec les États-Unis, le gouvernement conservateur actuel accumule échec sur échec : aucun progrès sur l'ESB; capitulation totale sur la question du bois d'œuvre; mesures de contrôle aux frontières qui vont nuire aux échanges commerciaux du Canada avec les États- Unis; offensive visant les producteurs de betterave à sucre du Sud de l'Alberta et d'ailleurs au Canada; et maintenant c'est la capitulation devant les intérêts américains qui visent à démanteler la Commission canadienne du blé.
Puisqu'il serait intéressant de trouver un beau côté à cette situation déplorable, madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire si son gouvernement a obtenu des concessions commerciales des États-Unis en échange de cette initiative visant à démanteler la Commission canadienne du blé?
Le sénateur LeBreton : L'honorable sénateur doit absolument surmonter cet antiaméricanisme qui gagne le Parti libéral de toutes parts.
Les rapports que nous entretenons avec les États-Unis sont caractérisés par le professionnalisme. L'honorable sénateur parle de la frontière. Rien n'avait été fait à ce sujet. Grâce aux efforts de notre gouvernement, du premier ministre, du ministre Day et de notre ambassadeur à Washington, nous avons été en mesure de convaincre nos partenaires commerciaux américains qu'il n'était ni dans leur intérêt, ni dans le nôtre, de causer des difficultés à la frontière. Il en est résulté un vote grâce auquel la question a été reportée à 2009. Hier, des progrès ont été réalisés concernant le genre de titre d'identité qui pourrait être utilisé à l'avenir.
Pour ce qui est de la Commission canadienne du blé, l'électorat était bien au fait des plans visant un système de commercialisation mixte. C'est ce que nous avons préconisé durant la dernière campagne électorale. Le ministre de l'Agriculture se penche actuellement sur cette question.
Pour ce qui est de l'industrie de la betterave à sucre, à l'heure actuelle, à ma connaissance, notre jus concentré de betterave à sucre n'est soumis à aucun droit de douane ni à aucune restriction.
Je n'accepte tout simplement pas l'idée selon laquelle nous n'agirions pas dans l'intérêt des producteurs canadiens dans tous les secteurs.
Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, nous ne sommes absolument pas antiaméricains. Nous ne sommes pas contre eux. Nous nous disions tout simplement que le gouvernement actuel serait peut-être capable de marcher et de mâcher en même temps. Je veux dire par là entretenir des rapports avec les États-Unis et ouvrir les bras à d'autres pays également, des pays comme la Chine.
Une fois qu'il aura scellé le sort de la Commission canadienne du blé, combien de temps faudra-t-il au gouvernement pour enlever les moyens de subsistance à des milliers d'agriculteurs du Canada en sacrifiant la gestion de l'offre, que le premier ministre a déjà décrite, croyez-le ou non, comme étant « un cartel parrainé par le gouvernement pour s'entendre sur les prix»?
Le sénateur Le Breton : Je me demande où l'honorable sénateur obtient certaines de ses informations. C'est même plutôt amusant.
(1355)
Comme je l'ai dit plus tôt, je réfute la prémisse de la question du sénateur. Le gouvernement travaille sur plusieurs fronts dans le but d'améliorer nos relations commerciales, mais pas seulement avec nos voisins du Sud. En effet, le ministre Emerson ne ménage aucun effort dans le dossier de nos échanges commerciaux avec l'Asie- Pacifique et nous travaillons avec l'Union européenne et nos marchés potentiels. Je peux dire fièrement que le gouvernement travaille avec ardeur dans tous les secteurs dans l'intérêt de la population canadienne.
L'honorable Daniel Hays (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire relativement à la Commission canadienne du blé. C'est, je crois, la première fois que j'entends dire que le gouvernement a décidé de respecter les dispositions de la loi en vigueur en tenant un vote des producteurs de blé et d'orge dans la région touchée, pour savoir si la Commission canadienne du blé devrait continuer de jouer le rôle de guichet unique de vente pour ces céréales.
Toutefois, il y a d'autres préoccupations que nous devrions soulever par rapport à la Commission canadienne du blé, soit la possibilité, pour les producteurs, de savoir sur quoi ils votent et celle de la prise de décret, à la demande du ministre de l'Agriculture, pour empêcher la Commission canadienne du blé de disséminer de l'information sur ce qu'elle considère être les avantages d'un système de guichet unique de vente.
Je me permets d'ajouter que, selon Ray Martin, un député de l'Assemblée législative de l'Alberta, le gouvernement de l'Alberta a dépensé récemment quelque 3 millions de dollars afin d'encourager les céréaliculteurs à voter contre le rôle de guichet unique de vente.
La ministre peut-elle nous assurer qu'on ne musèlera pas l'assemblée Commission canadienne du blé et qu'on veillera à diffuser de l'information sur les pour et les contre d'un système de guichet unique de vente, de manière à ce que les producteurs puissent prendre une décision éclairée?
Le sénateur LeBreton : Comme le sénateur le sait, puisqu'il est originaire de l'Ouest canadien, les producteurs ne sont pas tous dans le même camp par rapport à cette question. Personne n'impose le silence aux administrateurs de la Commission canadienne du blé. Ceux-ci peuvent donner leur point de vue personnel quant au système qu'ils jugent le meilleur, dans leur cas le guichet unique de vente. Les administrateurs n'ont jamais été empêchés de s'exprimer librement et ouvertement.
Toutefois, si la Commission canadienne du blé utilisait ses ressources pour faire valoir sa vision des choses, la situation ne serait plus équitable pour tous. Certes, le but recherché était de permettre aux directeurs de s'exprimer librement — ce qu'ils faisaient de toute façon — mais il ne faut pas laisser les ressources de la Commission canadienne du blé causer un déséquilibre injuste dans le débat.
Le sénateur Hays : Honorables sénateurs, si la question persiste, c'est parce que, comme je l'ai dit, il y a de gros investisseurs dans ce domaine. Je pense notamment au gouvernement de l'Alberta, qui a investi quelque 3 millions de dollars. Les directeurs ont beau s'exprimer, il faut quand même des ressources pour que la communication soit efficace. D'une façon ou d'une autre, je crois que nous voulons tous que les producteurs puissent voter en toute connaissance de cause.
Madame le leader du gouvernement ne pourra peut-être pas me répondre maintenant, mais quelles sont les intentions et la position du gouvernement en ce qui concerne la nécessité de fournir à tous les intervenants des ressources suffisantes de sorte que, lorsqu'ils se prononceront sur le sort du système de commercialisation à guichet unique, ce sera en toute connaissance de cause?
Le sénateur LeBreton : J'ai grandi dans une ferme. Les agriculteurs que je connais — et je suis sûre que c'est aussi le cas des producteurs de blé — sont très au courant du dossier. Je ne crois pas qu'on ait besoin de ressources additionnelles, ni d'un côté ni de l'autre. C'est comme dans n'importe quelle compétition. Il ne faut pas qu'un concurrent ait un avantage injuste sur l'autre. Je suis convaincue que, lorsque les producteurs de blé voteront, ce sera en toute connaissance de cause. À mon avis, quiconque été impliqué dans le secteur de la production du blé au cours des dernières années a déjà son idée de faite en faveur d'un camp ou de l'autre.
(1400)
Je tiens à réaffirmer qu'individuellement, les membres de la Commission canadienne du blé peuvent certainement compter sur leurs ressources personnelles ou sur leur compétence pour gagner les médias à leur camp. C'est ce qu'on appelle la démocratie.
Le sénateur Hays : Honorables sénateurs, il y a un groupe très actif qui est en faveur des mesures et un autre qui est contre. Cela ne veut pas dire que tous les intéressés, notamment ceux qui ne font pas partie de ces deux groupes, sont assez bien informés pour pouvoir se prononcer avec discernement. Le rôle de la Commission canadienne de blé a évolué avec le temps. Je pense personnellement que c'est une question très complexe à laquelle personne ne peut répondre facilement, à moins bien sûr d'adopter une position idéologique bien ancrée d'un côté ou de l'autre. Je crois que la majorité des producteurs se situent entre les deux extrêmes.
Je laisserai donc madame le ministre réfléchir à la question en lui demandant de rapporter au gouvernement la position selon laquelle il devrait y avoir un moyen ou une politique permettant de faire en sorte que les producteurs qui voteront sur cette question soient bien informés.
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, il est clair que notre parti a fait campagne en promettant d'offrir aux agriculteurs de l'Ouest plusieurs options de commercialisation de leur production. Je rejette l'argument selon lequel les Canadiens, en particulier des gens aussi bien informés que les agriculteurs et les producteurs de blé, puissent s'attendre à ce que nous dépensions les fonds publics, autrement dit l'argent des contribuables, pour permettre à un camp ou à l'autre de présenter sa position. Cette prémisse est inacceptable.
[Plus tard]
L'honorable Leonard J. Gustafson : J'aimerais poser une question au leader du gouvernement au Sénat relativement à la Commission canadienne du blé. Je crois comprendre que le gouvernement avait l'intention de permettre aux producteurs de choisir de commercialiser eux-mêmes leurs produits ou de le faire faire par la Commission canadienne du blé. C'est une possibilité sur laquelle nous devons nous pencher. Nos vis-à-vis affirment que c'est tout ou rien. Ce n'est pas le cas. Si je comprends bien, à moins que je n'aie pas bien entendu, chaque agriculteur aura un choix à faire. Il devra décider s'il veut commercialiser lui-même ses produits ou faire affaire avec la Commission canadienne du blé. Ai-je raison ou suis- je dans l'erreur?
Le sénateur LeBreton : Le sénateur Gustafson a tout à fait raison. Comme je l'ai souligné au sénateur Hays, les sénateurs de ce côté ont certainement profité des connaissances du sénateur Gustafson à cet égard. Je peux donc affirmer sans crainte de me tromper que les membres de la communauté agricole, et particulièrement les producteurs de blé, sont pleinement au courant des enjeux dans ce dossier. Ils n'ont pas besoin que le gouvernement subventionne un camp ou l'autre pour leur dire comment ils doivent voter.
Cette question figurait dans notre plate-forme aux dernières élections. Les électeurs dans l'Ouest ont élu leurs députés en sachant parfaitement ce que contenait la plate-forme des conservateurs, notamment le droit de choisir la méthode de commercialisation.
LES FINANCES
LES RESSOURCES HUMAINES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL
LE FINANCEMENT DES PROGRAMMES D'ALPHABÉTISATION
L'honorable Joyce Fairbairn : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Hier, j'ai parlé de l'avenir de notre industrie betteravière, qui doit faire face aux contestations commerciales qui viennent de l'autre côté de la frontière, c'est-à-dire des États-Unis.
La semaine dernière, durant notre pause, la récente décision du gouvernement de réduire de 17,7 millions de dollars le budget alloué à l'alphabétisation au Canada a également suscité beaucoup d'attention à Lethbridge et partout au pays.
Le gouvernement a-t-il l'intention de continuer à offrir du financement annuel aux associations du domaine, nommément le Movement for Canadian Literacy, l'organisme Alphabétisation Laubach du Canada, le Collège Frontière, ABC Canada, la Fédération canadienne pour l'alphabétisation en français, la Base de données en alphabétisation des adultes et la nouvelle National Indigenous Literacy Association?
Il y a eu du financement ici et là, mais ces groupes sont le cœur et l'âme du mouvement d'alphabétisation. Ceux qui ont le plus besoin de l'aide de ces associations craignent de perdre leur assise. Je conviens que 81 millions de dollars est une grosse somme d'argent, et madame le leader du gouvernement n'arrête pas de le dire. J'aimerais savoir si une partie de ces 81 millions de dollars sert à préserver ces fondations et, sinon, j'aimerais savoir où ira l'argent. Le gouvernement pourrait-il diffuser la répartition détaillée de ce financement? Nous ignorons tout. Les portes se referment et les gens ont peur.
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'étais prête hier à répondre à une question sur l'alphabétisation. En tout cas, je vais expliquer où iront certaines sommes. Pardonnez-moi, mais je vais lire.
Le gouvernement est fier de soutenir les efforts d'alphabétisation, qui permettent aux citoyens canadiens d'améliorer leurs compétences et de se préparer à un avenir meilleur. Dans cette optique, 28 millions de dollars seront alloués cette année à l'Initiative des cours de langue de niveau avancé, qui inclut le nouvel accord Canada-Ontario sur l'immigration; 900 000 $ iront à l'Initiative sur les compétences essentielles et l'alphabétisation en milieu de travail, du ministère des Ressources humaines et du Développement social; et 73 millions de dollars répartis sur deux ans seront investis dans l'Initiative en matière de compétences en milieu de travail. De plus, on injectera 2,6 milliards de dollars sur deux ans dans le programme d'éducation primaire et secondaire des Autochtones; 4,6 millions de dollars dans le Programme des ordinateurs pour les écoles d'Industrie Canada; 1,5 million de dollars dans le développement des compétences des adultes à l'Île- du-Prince-Édouard; et 63 millions de dollars annuellement dans le Programme des conseils sectoriels, qui appuie des programmes de développement des compétences en milieu de travail et d'alphabétisation dans les secteurs économiques clés.
(1405)
Le sénateur Fairbairn : J'apprécie la réponse du sénateur et je vais certainement examiner ces chiffres avec grand intérêt. Je vais devoir retrouver les chiffres dans le hansard parce je suis en train d'essayer de faire le lien avec les sommes prévues dans le budget que nous avions présenté en février 2005. J'aimerais bien savoir où on en est rendu par rapport à ces sommes. On avait affecté 5 milliards de dollars sur cinq ans pour bâtir un cadre d'éducation préscolaire et de services de garde d'enfants en collaboration avec les provinces et les territoires. Nous savons qu'il n'en est plus question. Cependant, il y avait aussi une somme de 120 millions de dollars sur cinq ans pour améliorer le programme d'éducation spécialisé pour les enfants des Premières nations vivant dans les réserves. Une somme de 398 millions de dollars sur cinq ans devait servir à améliorer les programmes favorisant l'établissement et l'intégration des immigrés ainsi que les services offerts aux nouveaux arrivants qui débarquent au Canada. Une somme de 125 millions de dollars sur trois ans devait financer la prochaine étape de la Stratégie des compétences en milieu de travail. Une somme de 30 millions de dollars avait été accordée au Secrétariat national à l'alphabétisation, qui n'existe plus, bien entendu.
Il y a des insuffisances. Certains groupes d'alphabétisation du pays existent depuis longtemps, notamment le Movement for Canadian Literacy, et d'autres ont vu le jour récemment, comme la National Indigenous Literacy Association. Les gens qui ont mis sur pied les programmes sur le terrain ont accompli un travail formidable dans leurs efforts pour joindre les gens et pour les aider. Continueront-ils à recevoir de l'aide financière grâce à une partie du programme décrit par madame le sénateur?
Le sénateur LeBreton : Nous pourrions débattre des vertus d'une plate-forme électorale par rapport à l'autre, mais nous avons été élus le 23 janvier en vue de former le gouvernement et nous avons clairement expliqué comment nous avions l'intention de gouverner. Certains peuvent être d'accord avec nous, et d'autres peuvent ne pas être d'accord, mais nous ne pouvons pas agir conformément à la plate-forme dont le sénateur vient de lire des extraits, dans le budget de l'année dernière, puisque cette plate-forme a été rejetée par les électeurs canadiens.
Comme je l'ai dit à l'honorable sénateur en réponse à ses nombreuses questions, les gens qui s'intéressent à l'alphabétisation ne cesseront pas tous de s'y intéresser simplement parce que le gouvernement a décidé de changer le mode de financement des programmes d'alphabétisation. Je ne peux pas prendre maintenant l'engagement que tel ou tel groupe continuera d'être financé. Je résume simplement ce que nous allons faire.
Comme je l'ai dit l'autre jour, je crois que, dans six mois, on verra que ces suppositions étaient fausses. Plutôt que de se soucier de ce qui ne s'est pas produit et ne se produira peut-être pas, donnons- nous le temps d'observer l'application des mesures que nous proposons. Dans six mois, si on constate que j'avais tort, l'honorable sénateur pourra revenir me poser des questions à ce sujet.
(1410)
Le sénateur Fairbairn : Comme madame le leader du gouvernement au Sénat l'a constaté, c'était un budget, pas un programme électoral, car nous avions déjà une fondation pour l'alphabétisation.
Ces organismes qui ont, heureusement, été créés au fil des ans depuis l'époque de M. Mulroney jouissent-ils encore du soutien du gouvernement actuel? Ce ne sont pas des organismes qui ont été créés du jour au lendemain et qui figuraient dans une plate-forme électorale. Ils ont été créés au fil des ans par les intéressés avec l'aide des pouvoirs publics. La population leur fait confiance, et ils ont joué un rôle de chef de file. Ils ont été utiles aux gouvernements, quelle que soit leur affiliation politique, mais ils ne sont pas des pions entre les mains des gouvernements. Ils connaissent bien le problème, mieux que nous en tous les cas. Pourront-ils continuer d'être utiles au gouvernement? Je ne doute pas qu'ils montreraient le même enthousiasme que lorsque nous étions au pouvoir.
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, l'idée voulant que le gouvernement actuel n'est pas favorable à des questions semblables est inadmissible. Au fil des ans, des organisations ont été créées pour aider un groupe ou un autre. Il est impossible de s'engager à perpétuité. Certaines organisations sont perpétuelles, d'autres ont une durée de vie limitée.
Madame le sénateur me demande si notre gouvernement appuierait ces groupes même s'il ne pouvait pas déterminer précisément ce qu'ils font, ni les services qu'ils rendent directement aux gens qui ont besoin de ce genre d'aide. Je n'ai pas la réponse. Tout ce que je peux dire, c'est que nous avons affecté une importante somme d'argent aux programmes de formation professionnelle et d'alphabétisation. Cela fait partie du programme de notre gouvernement, et j'ai bon espoir que nous aurons du succès et que nous toucherons un grand nombre de personnes.
Je sais qu'il y a actuellement au Canada une pénurie de travailleurs spécialisés. Une partie de notre programme vise tout particulièrement ces personnes. Cela sera profitable pour l'économie et pour tous les Canadiens.
Je ne veux pas faire une vague déclaration disant que nous offrirons une aide parce que le mot « aide » implique une dépense d'argent. Je ne le ferai pas. Je suis prête à dire toutefois que j'ai pleinement confiance en tous ces programmes que j'ai mentionnés et que je suis persuadée que les montants que nous avons prévus pour les programmes d'alphabétisation et de formation professionnelle donneront de bons résultats.
(1415)
LES FINANCES
LA CONDITION FÉMININE—LE FINANCEMENT D'ORGANISATIONS DE DÉFENSE DES DROITS À L'ÉGALITÉ
L'honorable Lorna Milne : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Comme mesdames les sénateurs Nancy Ruth et Poulin l'ont fait remarquer avec éloquence, la journée d'aujourd'hui marque le 77e anniversaire du jugement historique du Conseil privé dans l'affaire « personne ».
Cette date revêt une importance particulière au Sénat, car la victoire remportée a valeur de jalon pour toutes les femmes du Canada dans la lutte pour l'égalité des droits. C'est également une journée de réflexion et je joins ma voix à celles de ces sénateurs pour demander si les droits des femmes au Canada se sont érodés au cours de l'année qui vient de s'écouler.
Dans ce contexte, je pose au leader du gouvernement au Sénat — à titre de femme posant une question à une autre femme qui est en même temps ministre — la question suivante : en quoi la récente annonce de l'amputation du budget de fonctionnement de Condition féminine Canada de près de 40 p. 100 et de la suppression du mot « égalité » dans le mandat du programme pour les femmes va-t-elle aider les Canadiennes qui s'efforcent de défendre leur place dans la société canadienne?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je suis très fière de la reconnaissance du Jour de l'affaire « personne ». En fait, c'est sous un gouvernement conservateur que les prix du Jour de l'affaire « personne » ont été créés, comme le sénateur Murray s'en souviendra. C'est sous le gouvernement du très honorable Joe Clark, en 1979, que le Jour de l'affaire « personne » a été inauguré.
Le monument aux « Cinq femmes célèbres » — qui se trouve aux abords de notre édifice — a résulté d'une motion présentée en cette enceinte par madame le sénateur Fairbairn, motion que j'ai appuyée. Tout cela me rappelle de très bons souvenirs.
Au sujet des compressions administratives ou des économies à Condition féminine, il n'y a pas eu de coupes dans les programmes. Il s'est agi simplement d'une réaffectation administrative de fonds qui faisaient double emploi entre Condition féminine Canada et d'autres parties du ministère. Comme femme, je n'ai pas le sentiment d'être inférieure à quiconque.
Le sénateur Milne : Je remercie madame le sénateur de sa réponse, mais elle n'a pas vraiment dit pourquoi le mot « égalité » était disparu. J'aimerais savoir ce que madame le leader du gouvernement au Sénat dirait à des groupes comme À voix égales, le Groupe Femmes, Politique et Démocratie, la Coalition canadienne de la santé, la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités, Égale Canada et Justice for Girls qui ont appris qu'ils ne pouvaient plus compter sur Condition féminine Canada pour obtenir des fonds en raison des changements. Est-ce que les objectifs de ces groupes ne sont plus dignes d'être atteints? Est-ce que madame le leader du gouvernement au Sénat nous dit qu'elle et le gouvernement actuel du Canada ne partagent pas les intérêts de ces groupes? N'est-il pas temps de jouer franc jeu?
Le sénateur LeBreton : Puisque le gouvernement appuie l'égalité dans tous les secteurs, je ne comprends pas le sens de cette question. Le gouvernement, la population et moi-même reconnaissons pleinement toutes les questions d'égalité, peu importe de qui il est question. Les droits à l'égalité sont reconnus dans notre Constitution; c'est quelque chose qui fait partie de nous tous. Je ne comprends pas pourquoi le sénateur douterait que nous soutenons les droits à l'égalité.
(1420)
Le sénateur Milne : En ce cas, madame le leader du gouvernement peut-elle me dire comment elle expliquera à ces organisations ce qui se passe avec leur financement?
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, le gouvernement a pris des décisions pour faire économiser de l'argent aux contribuables. Je faisais partie du comité du Cabinet qui a cherché des moyens d'économiser et, dans chaque cas, le niveau de financement était adéquat. Nous n'avons pas éliminé de programmes. Nous avons simplement trouvé un large éventail de programmes gouvernementaux où il était possible d'économiser. Le gouvernement a pris une décision dans l'intérêt des contribuables. Il continuera de soutenir les initiatives valables tout en gardant à l'esprit que les fonds proviennent des contribuables. Lorsque le gouvernement cherche où il peut faire des économies, il doit être conscient des organismes qui font double emploi et des secteurs qui n'ont plus besoin de financement. Dans quelques cas, le comité du Cabinet a trouvé des économies sous forme de fonds qui n'avaient pas été dépensés. Ce n'est pas tant que le gouvernement ait sabré dans le financement, mais plutôt qu'il a remis l'argent dans le Trésor parce qu'il n'avait pas été dépensé.
Son Honneur le Président : Je regrette d'aviser les sénateurs que le temps alloué à la période des questions est écoulé.
[Français]
DÉPÔT DE RÉPONSES À DES QUESTIONS INSCRITES AU FEUILLETON
LE MINISTÈRE DES TRANSPORTS, DE L'INFRASTRUCTURE ET DES COLLECTIVITÉS—LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 11 inscrite au Feuilleton par le sénateur Chaput.
LE MINISTÈRE DE L'ENVIRONNEMENT—LA GOUVERNANCE DES PROPRIÉTÉS DANS LES PARCS NATIONAUX
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 13 inscrite au Feuilleton par le sénateur Spivak.
ORDRE DU JOUR
AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
ADOPTION DE LA MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je propose :
Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles puisse siéger le jeudi 19 octobre 2006, le mardi 24 octobre 2006 et le mercredi 25 octobre 2006, et ce bien qu'une séance du Sénat soit peut-être en cours, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue.
L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Le leader adjoint du gouvernement au Sénat pourrait-il expliquer pourquoi il propose cette motion?
Le sénateur Comeau : Honorables sénateurs, les membres du comité ont encore un certain nombre de témoignages à entendre et les heures de séance normales du comité ne seront pas suffisantes pour rencontrer tous les témoins. J'ai consulté madame le leader adjoint de l'opposition et les membres du comité et tous sont d'accord pour tenir ces séances même si le Sénat siège.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée.)
(1425)
LA LOI SUR LA GESTION DES FINANCES PUBLIQUES
LA LOI SUR LA
BANQUE DU CANADA
PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Segal, appuyée par l'honorable sénateur Meighen, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-217, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur la Banque du Canada (rapports financiers trimestriels).—(L'honorable sénateur Comeau)
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je tiens à remercier le parrain du projet de loi S-217, le sénateur Segal.
Si ce projet de loi est adopté, il exigera la présentation au Parlement d'un rapport financier trimestriel de la part des sociétés d'État, des ministères et des organismes fédéraux établi selon les principes comptables généralement reconnus.
Les renseignements qui nous seraient présentés tous les trois mois seraient très complets. Ils refermeraient un bilan, des données financières comparatives, l'état de l'évolution de la santé financière, l'état des recettes et des charges, ainsi qu'un rapport de gestion sur les changements importants de fonctionnement.
Par conséquent, au lieu de présenter leurs résultats financiers plusieurs mois après la fin de l'exercice, les ministères et organismes visés soumettraient au Parlement des informations financières en temps réel, une opération à laquelle le secteur privé s'est converti depuis longtemps.
Notre collègue, le sénateur Segal, possède une vaste expérience professionnelle dans le domaine de la politique publique et des finances publiques. Il dirigeait jusqu'à tout récemment l'Institut de recherche en politiques publiques et donnait des cours en politique publique à l'Université Queen's à Kingston.
Il a également siégé à de nombreux conseils d'administration dans le secteur privé, où les actionnaires reçoivent généralement des rapports trimestriels.
Il sait qu'aucun directeur d'une société cotée en bourse ne voudrait prendre des décisions en fonction de données financières publiées l'année précédente.
En l'absence de renseignements à jour, il serait impossible pour les directeurs de prendre, en temps opportun, de bonnes décisions de gestion. Heureusement, ces renseignements sont habituellement portés à l'attention des actionnaires et des conseils d'administration dans des délais très courts.
Par exemple, le 26 mai dernier, la première banque en importance au Canada, la Banque Royale, publiait un rapport sur la période de trois mois se terminant le 30 avril. Elle mettait ainsi à la disposition des actionnaires et du conseil d'administration des données sur son bénéfice d'exploitation et ses actifs, de même que des renseignements détaillés sur les modifications à son environnement opérationnel pour le trimestre.
La banque a préparé le rapport en moins d'un mois, conformément aux principes comptables généralement reconnus, et ce malgré le défi que pose l'exploitation d'un réseau de plus de 1 100 succursales à travers le Canada, quelque 273 établissements aux États-Unis et 42 bureaux dans d'autres pays.
Une fois qu'ils ont eu les renseignements montrant que la banque avait le moyen de permettre le versement des dividendes trimestriels, les directeurs ont annoncé cette opération. Aucun directeur ne voudrait se voir obligé d'approuver le versement de dividendes totalisant un demi-milliard de dollars sans savoir si la société en question a les moyens d'effectuer les versements.
(1430)
Aucun directeur d'un organisme de bienfaisance ne voudrait être appelé à approuver des décisions de financement sur la base de renseignements aussi vagues que des prévisions de recettes dressées des mois auparavant.
Si le rendement d'une société s'affaiblit, son conseil d'administration dispose des renseignements lui permettant de reporter la réalisation de certains projets d'immobilisations. S'il n'est pas satisfait du plan d'action de l'équipe de gestion, le conseil peut embaucher de nouveaux gestionnaires assez rapidement pour leur permettre de corriger la situation à temps, plutôt que d'être forcé d'attendre six mois après la clôture de l'exercice financier de la société avant de demander des comptes.
À l'aide de ces données trimestrielles, les actionnaires et actionnaires éventuels sont en mesure de prendre des décisions éclairées au sujet de l'achat, de la vente et du maintien de leurs actions.
Bref, honorables sénateurs, les actionnaires et les conseils d'administration peuvent demander des comptes à l'équipe de gestion en tout temps et exiger des correctifs à mesure que les problèmes surviennent parce qu'ils disposent des renseignements pertinents en temps opportun.
Dans son édition du mois de juillet, le Report on Business Magazine place deux des sociétés d'État du gouvernement fédéral, soit Postes Canada et la Société canadienne d'hypothèques et de logement, parmi les 50 premières sociétés au Canada en termes de revenus.
Cependant, aucune société n'approche les 200 milliards de dollars que le gouvernement fédéral dépense chaque année. Le sénateur Segal a noté, dans son discours à l'étape de la deuxième lecture, que les contribuables méritent le même niveau d'assurance et d'information à l'égard des dépenses fédérales que celui qui est offert aux actionnaires de sociétés ouvertes. Il a fait valoir que la présentation régulière des données financières fournirait les alarmes qui font tellement défaut pour repérer les problèmes et permettrait au Parlement d'intervenir et de corriger cette situation financièrement difficile. Il a souligné que la présentation de rapports trimestriels empêcherait les ministères de s'adonner à une gestion des données financières comme celle qui a été critiquée récemment dans le rapport de la vérificatrice générale sur la question du registre des armes à feu. Le sénateur Segal a présenté des arguments convaincants en faveur d'une politique ferme en matière de divulgation fréquente des données financières au Parlement, ce qui améliorerait la transparence et la responsabilité.
Enfin, il a justifié l'adoption de son projet de loi par le fait que, de nos jours, la plupart des dépenses sont autorisées au préalable et qu'elles sont engagées depuis longtemps lorsque nous recevons finalement des renseignements à jour au sujet des plans de dépenses et des recettes des divers ministères. En fait, les comptes publics sont déposés habituellement six mois après la fin de l'année financière. Quant aux rapports annuels des sociétés d'État, ils sont présentés au compte-gouttes à l'automne.
Le sénateur Segal a exposé ses préoccupations dans un article qu'il a rédigé pour l'édition du 20 juin 2006 du National Post. Il y disait ceci :
Si vous tenez compte à la fois de cette énorme lacune liée à la préparation de rapports et de l'absence d'un pré-examen parlementaire des prévisions budgétaires, il apparaît clairement que le Parlement canadien a délaissé le principe énoncé dans la Magna Carta au sujet de l'approbation préalable et du contrôle de l'argent des impôts dépensé par le roi.
La pratique actuelle qui consiste à déposer des rapports annuels rétroactifs, c'est-à-dire à commenter la comptabilité antérieure des ministères et des sociétés d'État, signifie que la gouvernance par le Parlement ne se fait plus en temps réel.
Cette méthode de présenter l'information financière permet tout simplement de faire ressortir les lacunes des ministères et leurs points faibles longtemps après qu'il soit possible d'y apporter des mesures correctives.
Cela fonctionne bien si le seul objectif est de chercher les erreurs et de jeter le blâme sur les responsables, mais cela ne permet absolument pas au Parlement d'exercer son contrôle. Si l'on déposait des rapports trimestriels en temps réel, on saurait exactement où en sont les finances publiques à tout moment.
Honorables sénateurs, le scandale du registre des armes à feu, totalisant un milliard de dollars, ne se serait peut-être pas produit si le Parlement avait été mis au courant des modifications que le ministère apportait à ses plans de dépenses à mesure qu'elles étaient effectuées.
Nous aurions peut-être su un peu plus tôt que les prévisions des recettes tirées du registre n'existaient que sur papier. Ou encore, nous aurions su plus rapidement que le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien produisait des recettes bien supérieures à ce qu'il était nécessaire pour administrer le régime de sécurité aéroportuaire du Canada.
Honorables sénateurs, le gouvernement conservateur s'est engagé à améliorer la responsabilité. Si l'on peut démontrer que c'est réalisable, ce projet de loi viendra compléter les dispositions de la Loi fédérale sur la responsabilité, dont le Parlement est déjà saisi, ainsi que d'autres mesures mises en place par le nouveau gouvernement du Canada.
[Traduction]
Son Honneur le Président : À l'ordre. Je rappelle aux sénateurs que, conformément à un ordre de la Chambre et à nos propres règles, il est interdit d'utiliser des BlackBerries au Sénat. Je demande à tous les sénateurs de respecter les règles et de maintenir l'ordre.
[Français]
Le sénateur Comeau : Par exemple, afin d'améliorer la transparence du cadre de planification du gouvernement et de permettre au Parlement de tenir le gouvernement responsable de ses actes, la Loi fédérale sur la responsabilité prévoit la création, au sein de la Bibliothèque du Parlement, du poste de directeur parlementaire du budget. Le directeur fournira au Parlement des analyses objectives sur la situation des finances et de l'économie du pays, nous donnant ainsi les renseignements objectifs qu'il nous faut pour évaluer les propositions financières du gouvernement. De plus, le gouvernement s'est engagé à présenter des mises à jour trimestrielles de sa situation financière globale. Le projet de loi S- 217 va encore plus loin, exigeant la présentation de rapports semblables de la part des ministères.
Comme je l'ai mentionné au début de mon discours, la proposition du sénateur Segal prévoit l'établissement de rapports selon les principes comptables généralement reconnus, c'est-à-dire en vertu de la méthode de la comptabilité d'exercice. Cela donnerait un portrait plus juste des coûts associés aux dépenses gouvernementales et aux mesures productrices de recettes.
Je sais que, pour quiconque n'est pas formé en comptabilité, la mention de termes comme «principes comptables généralement reconnus» et « comptabilité d'exercice » suffisent probablement à faire bâiller d'ennui. En résumé, on entend par là que les dépenses sont comptabilisées au moment où elles sont engagées, peu importe la date où la facture est payée, et que les recettes sont inscrites lorsqu'elles sont produites, peu importe le moment où elles sont effectivement perçues. De plus, si vous achetez un article qui devrait durer cinq ans, vous comptabilisez la dépense sur cinq ans, au lieu d'inscrire le total en une fois, parce que vous avez échangé un élément d'actif, votre argent, pour un autre, soit une voiture ou un ordinateur.
C'est ainsi que procède le secteur privé pour sa comptabilité. Il y a quelques années, le gouvernement a commencé à comptabiliser les comptes publics annuels selon la méthode de la comptabilité d'exercice et présente désormais ses projections financières dans le budget fédéral de cette façon.
À partir de maintenant, le gouvernement présentera également les Rapports ministériels sur le rendement selon la comptabilité d'exercice. Afin de mettre en œuvre plusieurs éléments du plan pour la responsabilité, les ministères auront à changer en profondeur leur mode de fonctionnement, et il en ira de même pour l'établissement des rapports trimestriels prévus au projet de loi S-217. Les ministères seront obligés de s'organiser pour tenir compte de leurs dépenses et des recettes trimestrielles selon la comptabilité d'exercice.
(1440)
Honorables sénateurs, je crois que le projet de loi S-217 est une mesure positive. Des amendements seront nécessaires pour l'améliorer. Si tel est le cas, des représentants officiels et d'autres témoins nous en feront rapport au comité. Néanmoins, je suis d'avis que puisque ce projet de loi est susceptible de consolider la responsabilité, il mérite une étude détaillée. J'appuie ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à adopter la motion?
[Traduction]
L'honorable Lowell Murray : Votre Honneur, le discours du sénateur portait sur le projet de loi S-217. La motion est inscrite au nom du sénateur Segal, n'est-ce pas?
Le sénateur Comeau : C'est exact.
Le sénateur Murray : Il n'est pas ici en ce moment, mais peut-être aimerait-il clore le débat?
Le sénateur Comeau : Je ne veux pas faire référence à la présence ou à l'absence d'aucun sénateur, mais le sénateur Segal est absent du Sénat et il m'a dit que si je faisais ce discours et que personne d'autre ne voulait intervenir, il voudrait que le projet de loi soit renvoyé à un comité.
Le sénateur Murray : Cela me convient. Je voulais simplement m'assurer que ses droits soient respectés.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
[Français]
RENVOI AU COMITÉ
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous ce projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Comeau, au nom du sénateur Segal, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)
LE CODE CRIMINEL
PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Banks, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-206, Loi modifiant le Code criminel (attentats suicides).—(L'honorable sénateur Comeau)
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je demande que le débat soit ajourné à mon nom afin de remettre le compte des jours à zéro. Le porte-parole du gouvernement voulait être présent hier, mais il a été incapable de le faire à cause de circonstances qui l'ont empêché d'être ici.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que la question soit ajournée encore une fois au nom du sénateur Comeau?
Des voix : D'accord.
(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)
[Traduction]
L'ÉTUDE DE LA POLITIQUE NATIONALE SUR LA SÉCURITÉ
RAPPORT DU COMITÉ DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE—MOTION D'AMENDEMENT—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'étude du quatrième rapport, tel que modifié, du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, intitulé Face aux turbulences : De la nécessité d'actualiser l'aide extérieure et la force militaire du Canada, en réponse aux changements d'envergure qui surviennent, déposé au Sénat le 4 octobre 2006.—(L'honorable sénateur Fraser)
L'honorable Colin Kenny : Honorables sénateurs, à la lumière du débat d'hier et compte tenu de la motion qui a été adoptée, je propose, avec l'appui du sénateur Moore :
Que l'ordre visant l'étude du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, tel que modifié, soit retiré du Feuilleton et que le rapport soit renvoyé au Comité avec la directive d'y apporter la modification dont la forme et le fond ont été approuvés par le Sénat le 17 octobre 2006;
Que le quatrième rapport modifié soit déposé au Sénat au plus tard le 21 novembre 2006.
L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au président du comité.
Pourrait-il expliquer ce que signifie exactement la « forme et le fond » de la modification? Je présume, mais j'aimerais que le sénateur Kenny le confirme, qu'il ne parle pas de la simple suppression des mots « Goose Bay » partout dans le rapport, mais d'une révision des articles du rapport où c'est pertinent pour qu'ils reflètent l'esprit du vote qui a eu lieu hier au Sénat. Ai-je raison de présumer ainsi?
Le sénateur Kenny : Honorables sénateurs, madame le sénateur a effectivement raison. C'est pourquoi j'ai employé le mot « forme » dans ma motion. La motion adoptée hier demandait que les mots « Goose Bay » soient supprimés.
Si j'ai fait un tel préambule, c'est que j'étais conscient des inquiétudes que le sénateur Rompkey avait exprimées dans son intervention face à l'emploi de certains adjectifs et autres expressions. L'idée est d'assurer que cette section du rapport sera complètement récrite, sans qu'aucun site précis ne soit indiqué, pour tenir compte des observations du sénateur Rompkey concernant le ton du rapport.
L'honorable David Tkachuk : J'ai moi aussi une question pour l'honorable sénateur. Peut-il indiquer au Sénat le nombre d'exemplaires du rapport qui ont été imprimés et distribués?
Le sénateur Kenny : Je vais devoir prendre note de cette question et y répondre une autre fois. Je ne connais pas le nombre précis. Je tâcherai d'obtenir cette information pour le sénateur Tkachuk.
Le sénateur Tkachuk : À propos des exemplaires qui ont été imprimés, le processus de distribution était-il déjà en place et des exemplaires du rapport ont-ils été envoyés?
Le sénateur Kenny : Je vais devoir prendre note de cette question, honorables sénateurs. Je peux cependant dire au sénateur qu'un certain nombre d'exemplaires ont été envoyés par la poste. Par contre, j'ignore s'ils ont tous été envoyés. De surcroît, je sais qu'aucun exemplaire n'a été envoyé par la poste depuis hier.
Le sénateur Tkachuk : Les exemplaires qui ont été envoyés devront- ils être rappelés?
Le sénateur Kenny : Non, sénateur Tkachuk.
L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, je suis dans une position défavorable puisque je n'ai pas copie de la motion que l'honorable sénateur vient de présenter. Cependant, j'aimerais faire un ou deux commentaires.
Je ne suis pas intervenu à l'origine parce que je pensais que mon collègue allait trouver un moyen de faire aujourd'hui ce qu'il n'a malheureusement pas pu faire hier, c'est-à-dire proposer l'ajournement du débat et prononcer un discours. Je n'ai pas l'impression qu'il ait l'intention de prendre la parole au sujet de la motion qu'il vient de présenter. Cela soulève donc la question du but de la motion et, par conséquent, de son utilité.
Contrairement à ce que l'honorable sénateur a dit, la motion adoptée hier ne dit pas simplement « que les mots Goose Bay soient supprimés... ». Elle dit « que toute mention de BFC Goose Bay (Labrador) soit supprimée... ». On pourrait interpréter cela comme voulant dire qu'il faut éliminer la majeure partie des pages 57 à 61, et pas seulement les mots « Goose Bay ».
(1450)
Pourquoi devons-nous adopter une motion pour dire au comité de faire, dans la forme et dans le fond, ce que j'estime que nous avons fait hier au moyen d'une motion? Le sénateur suggère que le comité, une fois qu'il aura fait ce qu'il doit faire, présentera le rapport modifié, mais le rapport a déjà été modifié. Nous examinons présentement un rapport modifié. Par conséquent, l'objet de cette motion n'est pas clair pour moi.
Ceci dit, je tiens à ce qu'il soit clair que je pensais hier et que je continue de penser que le président du comité aurait dû et devrait avoir la possibilité de parler de son rapport, et à ce moment-là d'autres sénateurs pourront participer au débat s'ils le souhaitent.
J'imagine que mon intervention est un recours au Règlement. Est- ce que la motion qu'a présentée le président du comité vise à adopter une deuxième fois la même chose? Je ne le sais pas. Elle donne au comité la directive de faire quelque chose que le Sénat a déjà fait hier au moyen d'une motion. Voilà mon point de vue, sans avoir pris connaissance du libellé de la motion que le sénateur a présentée.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, si le Sénat accepte la motion du sénateur Stratton, cela donnerait également le temps à tous les sénateurs d'obtenir un exemplaire de la motion, ce qui répondrait à de nombreuses questions.
L'honorable Terry Stratton : C'est précisément pour cette raison que j'ai demandé l'ajournement du débat.
[Français]
L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, le sénateur Murray prenait la parole sur un rappel au Règlement. Ne devrait-on pas traiter de cette question en premier lieu, avant de passer à la motion qui va nous être présentée par l'honorable sénateur Stratton?
[Traduction]
Son Honneur le Président : La présidence a compris que le sénateur Murray avait émis la possibilité qu'il invoquait le Règlement et je misais sur cette possibilité. Étant donné que tous les sénateurs sont désavantagés puisqu'ils n'ont pas de copie de la motion donnée et compte tenu que le sénateur Stratton a indiqué qu'il ne présenterait pas sa motion d'ajournement pour permettre que des échanges aient lieu, il serait peut-être dans l'intérêt de cette assemblée de donner la parole au sénateur Stratton et d'entendre sa motion d'ajournement du débat.
(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)
RECOURS AU RÈGLEMENT
L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : J'invoque le Règlement. Je prononce ces mots, Votre Honneur, car si le sénateur Murray reprend une discussion sur un recours au Règlement, je n'aimerais pas penser que nous avons renoncé à notre droit de parler de ce recours au Règlement en ajournant le débat sur cette question. S'il choisit de ne pas faire de son intervention un recours au Règlement, nous pouvons continuer.
LA SITUATION DE L'ALPHABÉTISME AU CANADA
INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Fairbairn, C.P., attirant l'attention du Sénat sur la situation de l'alphabétisme au Canada, ce qui donnera à tous les sénateurs présents dans cette enceinte l'occasion de parler de cette question qui, dans notre pays, est souvent oubliée.—(L'honorable sénateur Jaffer)
L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, cette interpellation doit maintenant être ajournée au nom du sénateur Jaffer. Je vais donc prendre la parole et l'ajourner en son nom, à moins que madame le sénateur Chaput ne souhaite prendre la parole après moi.
C'est un grand plaisir pour moi de prendre part à ce débat sur la question de l'alphabétisme. Je félicite notre collègue, le sénateur Fairbain, de son interpellation. Au cours des dernières années, elle a été remarquable en tant que chef de file dans ce dossier vital. Elle compte maintenant parmi les plus influents défenseurs du perfectionnement des programmes d'alphabétisation d'un bout à l'autre du Canada. Comme elle l'a dit, nous devons catalyser nos efforts et renforcer notre détermination en vue d'améliorer les niveaux d'alphabétisme au pays. Dans un pays comme le Canada, il y a encore trop de personnes qui n'ont pas l'occasion de devenir des membres à part entière de notre société, faute d'avoir les compétences essentielles au bien-être et à la qualité de vie.
C'est tout de même ironique que, au moment même où madame le sénateur Fairbairn faisait valoir l'importance de cette question et la nécessité d'accroître les ressources destinées aux initiatives d'alphabétisation, le gouvernement conservateur s'apprêtait à sabrer dans les programmes d'alphabétisation et d'apprentissage pour adultes. Je trouve scandaleux que, à l'heure où notre économie requiert un plus grand nombre de travailleurs spécialisés et de nouveaux investissements dans le développement des ressources humaines, le gouvernement conservateur décide de démanteler des programmes qui favorisent la participation de la population active sur le marché du travail. Ce qui est encore plus scandaleux, c'est que ces compressions budgétaires surviennent alors qu'on vient d'annoncer un excédent de 13,2 milliards de dollars.
Cette situation est décourageante, lorsqu'on pense que, partout au Canada, ces programmes avaient permis d'accroître le taux d'alphabétisation. Ces efforts sont maintenant anéantis par un gouvernement qui devrait accroître, plutôt que réduire, le financement accordé à ces programmes. Dans ma province, l'Île- du-Prince-Édouard, la somme de 17,7 millions de dollars que le gouvernement conservateur vient de couper servait à financer de nombreux projets d'alphabétisation pour les familles, ainsi que de nombreux programmes communautaires d'alphabétisation.
Je crois fermement que les dépenses dans le domaine de l'alphabétisation et de l'apprentissage sont un investissement, et non un coût. En tant que société, nous avons la responsabilité d'aider tous nos concitoyens à réaliser leur plein potentiel. Nous devons faire en sorte que tous les Canadiens puissent acquérir les compétences et les connaissances nécessaires pour améliorer leur niveau de vie et leur qualité de vie.
C'est une tragédie nationale lorsque l'on constate que plus de quatre Canadiens sur dix n'ont pas les compétences nécessaires pour devenir des membres à part entière de notre société et être productifs; que beaucoup de personnes âgées s'exposent à des risques quotidiens, notamment lorsqu'elles doivent déchiffrer des instructions sur une bouteille de médicaments; et que trop de personnes de tous les âges et de toutes les origines ethniques n'ont pas les compétences de lecture et d'écriture, de résolution de problèmes et de communication nécessaires pour jouir d'une meilleure qualité de vie.
(1500)
Non seulement les Canadiens profiteront d'une meilleure qualité de vie, mais encore notre pays tout entier bénéficiera de leurs compétences améliorées. Une étude terminée par l'Institut C.D. Howe en octobre de l'an dernier a conclu que l'amélioration des niveaux globaux d'alphabétisme a des effets non négligeables sur le rendement économique. Une amélioration d'un degré de la capacité de lire et d'écrire a des effets directs sur la productivité et la croissance économique.
Selon l'Institut C.D. Howe, une amélioration d'un degré de la capacité de lire et d'écrire entraînera une augmentation de 2,5 p. 100 de la productivité du Canada et une hausse de 1 p. 100 du produit intérieur brut. Ces améliorations se traduiront par des recettes supplémentaires de 18 milliards de dollars par année pour notre économie.
Mais il y a un autre aspect du besoin fondamental d'un relèvement des compétences dans notre pays. Comme chacun sait, notre pays est en mutation. Notre économie est fondée sur la connaissance, ce qui augmente l'importance du savoir-faire. Le nombre d'emplois exigeant des études postsecondaires augmente pendant que diminue celui des emplois exigeant moins que des études secondaires. Qu'adviendra-t-il des travailleurs qui perdront leur emploi à cause des changements technologiques et d'autres transformations? Comment seront-ils recyclés pour pouvoir continuer d'être des éléments productifs de leur collectivité? À moins de posséder les connaissances pour pouvoir se recycler ou se perfectionner, ils continueront de perdre du terrain. C'est ce qui rend aussi importante une connaissance de base de la lecture et de l'écriture.
Compte tenu des avantages sociaux et économiques accrus de programmes d'apprentissage et d'alphabétisation améliorés, il est incroyable que le gouvernement conservateur ait amputé de 17,7 millions de dollars les programmes de formation et d'alphabétisation essentiels, d'autant que le pays dispose d'un excédent de 13,2 milliards de dollars. Par cette mesure, le gouvernement conservateur rend un bien mauvais service à ceux qui ont le plus besoin de ces programmes. La réduction du financement de ces programmes touchera les gens les plus vulnérables et ne fera que maintenir les différences et les disparités entre les défavorisés et les nantis. Ces compressions sont également à courte vue, le gouvernement refusant de reconnaître que les dépenses consacrées à la formation et à l'alphabétisation constituent un investissement, pas un coût.
De nombreux Canadiens partagent ce point de vue, des Canadiens qui reconnaissent la nécessité d'améliorer les niveaux d'alphabétisme et qui sont conscients de la valeur et de l'importance de l'alphabétisation, non seulement pour les particuliers ou les familles, mais pour la société au complet. Je félicite les nombreux groupes et organisations qui déploient des efforts acharnés pour changer la vie des gens.
Il ne fait aucun doute que l'alphabétisation offre de réels avantages aux personnes et à la société. Les programmes en vigueur portent fruits.
Dans ma province, l'Île-du-Prince-Édouard, un certain nombre de programmes fructueux n'auraient jamais pu voir le jour sans l'aide du gouvernement fédéral dans laquelle on vient de sabrer. Les subventions fédérales-provinciales annuelles de 325 000 $ ont permis au gouvernement de la province, par l'intermédiaire de son Literacy Initiative Secretariat, de créer et de mettre en œuvre les programmes suivants : Workplace Education PEI, un partenariat entre le gouvernement, les entreprises et les syndicats qui vise à assurer la disponibilité de programmes d'alphabétisation en milieu de travail; le programme Prêt-à-conter, une activité familiale pratique d'alphabétisation qui donne aux parents dont les compétences en lecture et en écriture sont faibles la confiance nécessaire pour lire des livres et lire avec leurs enfants; le projet L.O.V.E., dans le cadre duquel des bénévoles vont dans les écoles pour aider les jeunes lecteurs qui éprouvent des difficultés; et le Literacy and Adult Basic Education Program du collège Holland, qui permet à environ 1 000 Prince-Édouardiens chaque année d'améliorer leur niveau d'alphabétisme ou de terminer leur douzième année, le tout sans frais.
De plus, avec un budget limité, mais des efforts soutenus, la Prince Edward Island Literacy Alliance accomplit également de grandes choses en réunissant des gens et des organisations, en créant des partenariats pour favoriser l'alphabétisation et l'apprentissage dans la province.
Ainsi, la Prince Edward Island Literacy Alliance offre des bourses d'études à des adultes pour qu'ils puissent parfaire leur éducation. Elle offre également la ligne LEARN, un numéro de téléphone que les habitants de l'île peuvent composer pour obtenir de l'aide et être orientés vers des services d'alphabétisation. De plus, elle parraine un programme de tutorat pour les jeunes, pendant l'été. C'est un programme gratuit pour les étudiants qui ont besoin d'aide pour conserver ou améliorer leurs capacités de lecture et d'écriture pendant l'été.
Sans le rétablissement de cette somme de 17,7 millions de dollars que le gouvernement conservateur vient de sabrer, l'alliance a annoncé qu'elle fermerait ses portes le 31 mars 2007.
Certains ont déclaré que la décision du gouvernement conservateur de procéder à ces compressions constitue le plus dur coup porté à l'alphabétisation au cours des 20 dernières années. Depuis que le gouvernement a sabré dans ces programmes utiles et tout à fait nécessaires, beaucoup de craintes ont certes été exprimées dans tout le pays. Les Canadiens savent qu'en améliorant le niveau d'alphabétisme, nous avons de grandes possibilités de contribuer à l'économie canadienne et d'améliorer la qualité de vie de chacun. Ils savent qu'améliorer la capacité de lire et d'écrire n'est pas une chose que les écoles ou les gouvernements peuvent faire seuls. Il faut que tous les partenaires, y compris le gouvernement fédéral, unissent leurs efforts.
Honorables sénateurs, une fois de plus, je félicite madame le sénateur Fairbairn d'avoir soulevé cette question, surtout à ce stade- ci. L'honorable sénateur a demandé que des mesures soient prises pour faire tomber cette barrière qui fait que 42 p. 100 des adultes canadiens éprouvent des difficultés tous les jours faute d'avoir les capacités de lecture, d'écriture et de communication de base nécessaires. Ainsi, ils ne peuvent pas être des membres à part entière et productifs de notre société. Comme madame le sénateur l'a dit, c'est une question qui préoccupe tous les partis.
J'encourage tous les sénateurs à souscrire à cette initiative.
[Français]
L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, il y a quelques jours, je dénonçais le gouvernement actuel pour sa fâcheuse décision d'abolir le Programme de contestation judiciaire du Canada. Aujourd'hui, je reviens à la charge pour demander au gouvernement et à ses représentants ici, à la Chambre haute, quelle justification crédible ils peuvent donner d'avoir sabré dans l'enveloppe budgétaire des programmes d'alphabétisation.
Encore une fois, ce sont les moins fortunés qui écopent avec ces compressions, les citoyens qui comptent sur nous pour apprendre à lire, à écrire et à compter, des compétences indispensables à tout citoyen qui veut mener une vie productive, sereine et heureuse.
Que fait le gouvernement conservateur actuel? Il coupe les vivres aux démunis, à ceux-là mêmes que nous devrions aider pour minimiser les impacts négatifs à long terme.
Dans les communautés francophones et acadiennes en situation minoritaire, cette annonce du gouvernement a eu un effet de bombe atomique sur les organisations et les services qui font la promotion de l'alphabétisation dans l'ensemble du pays.
Des compressions budgétaires de l'ordre de près de 18 millions de dollars, cela fait mal pour ces organismes et services qui font déjà beaucoup avec peu de ressources.
La Fédération canadienne pour l'alphabétisation en français a jugé que cette décision allait causer des torts inestimables à la société canadienne. En effet, la décision du gouvernement occasionnera la fermeture de plusieurs programmes, centres ou organisations qui offrent des services d'alphabétisation à des milliers d'apprenants adultes au Canada.
La disparition de ces organisations provinciales et territoriales laissera un vide qui ne pourra être comblé par d'autres.
(1510)
[Traduction]
Jusqu'au 25 septembre 2006, le Canada possédait un Secrétariat national à l'alphabétisation qui consacrait 42 millions de dollars par année à des programmes d'apprentissage des adultes. Créé par l'ancien premier ministre Brian Mulroney en 1986, le secrétariat collaborait avec les provinces, le secteur privé et des centaines d'organismes bénévoles.
Jusqu'à il y a deux semaines, le Canada avait un réseau d'organisations d'alphabétisation sans but lucratif qui s'étendait d'un bout à l'autre du pays. Maintenant, le réseau ne tient plus; l'infrastructure a disparu.
Les vraies victimes sont les 9 millions d'adultes canadiens qui sont freinés par leur incapacité de lire. Environ 5,8 millions ne peuvent pas composer avec les exigences d'un milieu de travail ordinaire; 3,2 millions ne peuvent pas lire la posologie sur une bouteille de médicament, les demandes d'emploi, les bulletins de vote ou les bulletins scolaires de leurs enfants. Certains sont des immigrants, d'autres sont nés au Canada, certains ont fait de mauvais choix, d'autres ont été obligés d'abandonner leurs études.
Il est trop tôt pour dire quelles provinces, le cas échéant, prendront en charge les programmes d'alphabétisation dont le gouvernement fédéral se départit. Il semble que les meilleures perspectives soient en Ontario et au Québec, et les pires à Terre- Neuve, au Manitoba, en Saskatchewan et dans le Nord.
On ne sait pas exactement comment les organismes nationaux comme ABC Canada ou la Fondation pour l'alphabétisation serviront leurs clients. Ces organismes dépendaient de leurs partenaires provinciaux pour offrir leurs programmes, former les bénévoles, appuyer les groupes locaux et aider les gens qui en ont besoin.
Quand on élimine les coalitions provinciales, on élimine aussi l'épine dorsale des organismes qui en dépendent. Le résultat est que les apprenants reçoivent une aide de moindre qualité, comme l'a dit Margaret Eaton, présidente d'ABC Canada Fondation pour l'alphabétisation. Il est dur de comprendre pourquoi le gouvernement fédéral laisse tant de groupes le bec dans l'eau.
[Français]
Pour ma province natale, le Manitoba, les effets sont néfastes. L'organisme Pluri-elles (Manitoba) inc. est l'organisme porteur du dossier de l'alphabétisation des adultes, de l'alphabétisation familiale et des compétences en français au Manitoba. « Nous reculons de dix ans. Tout le travail du personnel et des apprenants tombe à l'eau », a déclaré la directrice générale de Pluri-elles, Mme Mona Audet. En effet, l'organisme a mis sur pied, au cours des 16 dernières années, 13 petits centres d'alphabétisation en province pour répondre à la demande des personnes vivant en milieu urbain, rural et dans les régions éloignées.
Suite à la décision du gouvernement Harper, le conseil d'administration de Pluri-elles a pris la pénible décision de fermer neuf de ses centres. Ces fermetures auront des répercussions dans les communautés suivantes : Laurier, Lorette, Notre-Dame-de- Lourdes, Saint-Jean-Baptiste, Saint-Laurent, Saint-Lazare, Saint- Malo, Sainte-Anne et Sainte-Rose-du-Lac, les communautés les plus éloignées de Winnipeg.
La situation n'est pas plus glorieuse ailleurs au pays : au Nouveau-Brunswick, la décision du gouvernement Harper mettra fin aux activités de la Fédération d'alphabétisation du Nouveau- Brunswick, qui juge cette décision « immorale ». Cette nouvelle arrive au moment où de nombreuses études dressent un portrait alarmant et inquiétant pour le Nouveau-Brunswick, à savoir que 66 p. 100 des Acadiens francophones de cette province éprouvent de sérieuses difficultés en lecture, en écriture et en calcul.
À l'autre bout du pays, en Alberta, l'organisme porteur du dossier de l'alphabétisation des adultes francophones, Eduk, a également été choqué par l'annonce du gouvernement fédéral. Faut-il rappeler qu'un récent sondage de l'Organisation de coopération et de développement économiques, dont le siège est situé à Paris et qui regroupe 30 pays membres, dont le Canada, et travaille avec 70 autres pays sur l'alphabétisation des adultes et les aptitudes utiles dans la vie quotidienne, révélait que 42 p. 100 des adultes au Canada n'ont pas les compétences de base requises pour participer entièrement à notre vie économique ou sociale.
[Traduction]
Dans le numéro du 28 septembre du Regina Leader-Post, un article signé Kerry Benjoe commence par la phrase suivante :
À cause en partie de la réduction du budget des programmes d'alphabétisation décrétée par le gouvernement fédéral, le Réseau d'alphabétisation de la Saskatchewan cessera ses activités après 17 ans de service.
Honorables sénateurs, le sentiment d'avoir été trahi est généralisé, le pays tout entier est déçu et en colère. La vague de courriels de protestation reçus la semaine dernière est une preuve convaincante de ce malaise.
Maintenant, je souhaite lire aux sénateurs des extraits d'une lettre ouverte rédigée par Literacy Partners of Manitoba.
Le 25 septembre, le nouveau gouvernement du Canada a annoncé qu'il réduisait le financement des programmes d'alphabétisation des adultes de 17,7 millions de dollars.
Au Manitoba, il a été réduit de 780 000 $. Cet argent servait à financer des projets pilotes, à faire de la recherche, à créer des produits novateurs et à offrir des occasions de formation aux apprenants et aux tuteurs [...]
Les coalitions pour l'alphabétisation ont été créées par le gouvernement Mulroney pour offrir des services aux programmes d'alphabétisation, services qui n'étaient pas financés par les provinces. Les coalitions étaient censées trouver des ressources et élaborer des partenariats pour encourager l'alphabétisation des adultes et des familles.
Literacy Partners consacre ses énergies et les montants reçus des gouvernements fédéral et provincial, ainsi que de subventions versées par des fondations, de même que l'argent recueilli grâce à la collecte de fonds et à des dons, à des projets qui donnent des résultats concrets et permettent de dispenser des services aux 290 000 Manitobains en âge de travailler et ayant de grandes faiblesses en matière de lecture et d'écriture.
Au cours des 18 derniers mois, Literacy Partners
[...] agissant en partenariat avec le programme Lire, c'est grandir, de CanWest, a versé 17 000 $ à des programmes d'alphabétisation des familles;
a œuvré de concert avec le programme Lire, c'est grandir de CanWest et avec des bibliothèques publiques pour recueillir et distribuer des livres à des programmes locaux et régionaux d'alphabétisation pendant le Mois de la lecture;
a travaillé en partenariat avec la bibliothèque régionale de Thompson et avec Perimeter Airlines pour distribuer des livres gratuitement à des collectivités autochtones — plus de 12 000 livres au moyen de ces deux initiatives;
a lancé un projet d'alphabétisation familiale internationalement reconnu pour la population immigrante de Winnipeg;
a recruté plus de 100 bénévoles pour travailler dans le cadre de programmes d'alphabétisation;
a fourni un accès à plus de 5 000 ressources dans sa bibliothèque d'alphabétisation, avec livraison gratuite partout dans la province.
[Français]
Honorables sénateurs, cela ne peut continuer. Ces réductions de programmes vitaux ont créé un climat d'incertitude et même de peur, à savoir qui sera la prochaine victime. Je termine en vous citant quelques mots d'un communiqué de presse paru le 15 octobre 2006 :
La Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse hésite à dénoncer les récentes compressions budgétaires du gouvernement Harper par crainte de nuire au financement à long terme des organismes acadiens. Les participants à l'assemblée générale annuelle de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse redoutent de dénoncer les compressions budgétaires annoncées par le gouvernement Harper à plus de 12 programmes jugés essentiels à leur survie. Ils craignent de nuire aux négociations en cours avec Ottawa pour le financement à long terme des organismes acadiens s'ils entreprennent des démarches contre le gouvernement.
Honorables sénateurs, c'est une honte de traiter ainsi ses minorités.
[Traduction]
C'est très troublant que le Cabinet ne comprenne pas vraiment les conséquences de cette décision et d'autres compressions, et le gouvernement devrait avoir honte.
L'honorable David Tkachuk : Je n'ai peut-être pas bien compris, mais j'ai cru entendre madame le sénateur dire que neuf millions de personnes étaient analphabètes au Canada.
Le sénateur Chaput : On compte neuf millions d'adultes canadiens qui ne peuvent progresser parce qu'ils ne savent pas lire.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce que cela inclut les gens qui ne lisent pas l'anglais parce que ce sont des immigrants récents, ou faut-il ajouter les immigrants récents à ces neuf millions de personnes? Il me semble que cela représente alors environ la moitié de la population adulte du Canada.
Le sénateur Chaput : Je suis désolée. Je ne peux pas répondre à cette question parce que je ne le sais pas.
Le sénateur Tkachuk : Ces neuf millions de personnes sont-elles réparties assez également d'un bout à l'autre du pays? En tant qu'ancien enseignant, j'ai l'impression que c'est une terrible accusation portée à l'encontre de notre système scolaire, plus que toute autre chose. Je voudrais simplement savoir si ces gens sont répartis assez également d'un bout à l'autre du pays.
(1520)
[Français]
Le sénateur Chaput : Honorables sénateurs, je ne suis pas certaine si ces informations sont exactes. Je vous reviendrai donc sur ce sujet après vérifications.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : J'ajournerais le débat.
Le sénateur Chaput : Honorables sénateurs, madame le sénateur Jaffer a demandé que le débat soit ajourné à son nom.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, est- on d'accord pour que le débat soit ajourné au nom du sénateur Jaffer?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Tkachuk : J'ai proposé l'ajournement du débat.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Le sénateur Tkachuk propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Champagne, que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(Sur la motion du sénateur Tkachuk, le débat est ajourné.)
[Français]
LE SÉNAT
MOTION TENDANT À RECONNAÎTRE LE DROIT AUX SÉNATEURS DE S'EXPRIMER DANS LEUR LANGUE ANCESTRALE—REPORT DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Corbin, appuyée par l'honorable sénateur Bryden :
Que le Sénat reconnaisse le droit inaliénable des premiers habitants du territoire aujourd'hui appelé Canada d'utiliser et de communiquer à toutes fins utiles dans leur langue ancestrale;
Que, pour faciliter l'expression de ce droit, le Sénat prenne les mesures administratives et mette en place les moyens techniques qui s'imposent pour permettre, dans l'immédiat, l'utilisation de leur langue ancestrale au Sénat par les sénateurs qui le désirent. —(L'honorable sénateur Comeau)
L'honorable Eymard G. Corbin : Honorables sénateurs, il ne s'agit pas de participer au débat, car j'ai déjà pris la parole à ce sujet, mais j'aurais une question à poser au sénateur Comeau, s'il veut bien l'accepter. Le sénateur Comeau, en réponse à une question que je lui posais le 28 juin 2006, a répondu au Sénat, et je le cite :
Honorables sénateurs, d'énormes implications pourraient découler de l'adoption de cette motion et j'ai donc l'intention de me prononcer sur ce sujet à l'automne.
L'automne est arrivé depuis plus d'une vingtaine de jours et chacun sait qu'il se terminera le 20 ou 21 décembre. Au Canada, on reconnaît le début de l'hiver par la venue de la première bordée de neige et la terre qui gèle. Je demande au sénateur Comeau s'il a l'intention de prendre la parole prochainement.
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, à ma connaissance, les érables sont encore rouges présentement, nous sommes toujours en automne. Bien sûr, je ferai mes commentaires avant que la première bordée de neige tombe en Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Corbin : Honorables sénateurs, j'ai vécu en Nouvelle- Écosse et j'ai déjà vu une première bordée de neige n'arriver que le 15 janvier.
Le sénateur Comeau : Honorables sénateurs, plus sérieusement, j'ai l'intention de faire mes commentaires d'ici peu.
(Le débat est reporté.)
(Le Sénat s'ajourne au jeudi 19 octobre 2006, 13 h 30.)